Les quatre saisons (recomposed by Max Richter)

On les a tant entendues qu’on ne les écoute pas. Des publicités aux ascenseurs, ici et partout, on les connaît depuis toujours, depuis qu’on respire, comme on expire le souffle. Usées, vidées, tant elles ont été galvaudées, les saisons se sont répétées, année après année, l’air de rien. De rien, à la fin, au bout des jours, comme ces visages qu’on croise tellement souvent qu’on ne sait plus les voir, les regarder, les admirer, les chérir, les aimer ; en pleurer et remercier. De l’immense, perdu dans le dédale infini de nos perceptions.

Il faut avoir peur, accueillir un événement, ressentir le basculement permis par le déclic, pour voir de nouveau, et aimer encore.

Un jour, son matin, ou plutôt son après-midi, j’ai été la fleur cueillie, par un concert, unique et unique : une seule représentation, et une seule impression, grandiose. Double et infinité des sens, d’un bout à l’autre de mon corps, les frissons avaient gagné et regagné la partie. Max Richter, à la composition, et Daniel Hope, au premier violon, jouaient les quatre saisons. Un peu celles de Vivaldi, qu’aussitôt on ose de nouveau aimer, mais un peu des siennes aussi.

Richter, pianiste et compositeur allemand, éclectique, n’a pas adapté, ni arrangé, ni orné. Il n’a pas posé un point d’orgue sur la partition originale. L’interview qui s’intercalait dans le concert faisait taire le scepticisme possible. Les quatre saisons avaient été recomposées, inspirées par leur créateur, mais visitées des fantasmes et des pensées d’un autre homme. Pour une double croche, un thème entier, ou que sais-je, l’œuvre est devenue une autre, à part entière, ne permettant ni d’oublier sa genèse, ni de nier la réunion des siècles.

D’une œuvre, une autre est née, comme un enfant a les yeux de son père et le menton de sa mère, mais surtout quelque chose de bien à lui, de beau et d’universel.

Que l’eau coule, sans tristesse.