Il y a longtemps que je t’aime, Philippe Claudel

« Il y a longtemps que je t’aime »… Dans la chanson que Léa et Juliette jouaient au piano petites, la suite dit « Jamais je ne t’oublierai »… Pendant leur longue séparation, 15 ans, Léa n’a jamais oublié sa grande sœur. Quand elle sort de prison, Juliette vient vivre chez Léa et sa famille. Les deux sœurs parlent. D’abord un peu, avec le poids des ans et des silences, puis un peu plus, comme deux sœurs qui réapprennent à s’aimer et qui tentent de recoller les morceaux. Mais qu’a donc pu faire Juliette pour être écartée si longtemps du monde ? Quel crime et pourquoi ? Au fil des scènes, Philippe Claudel distille les indices, avec une infinie précision, une formidable précision. Juliette (Kristin Scott Thomas) est inquiétante, froide et absente avant de revenir doucement à la vie. Léa (Elsa Zylberstein) est gênée et généreuse, ouverte et apeurée. Elle veut comprendre, elle va comprendre. Luc, le mari de Léa et les deux enfants sont justes. Et au-delà du drame qui sous-tend le film, c’est avec une incroyable finesse qu’on voit les relations entre les personnages évoluer, les liens se tisser, les places se faire, l’amour naître de rien ou renaître des cendres, au fond peu importe. Le duo d’actrices est absolument magistral, le jeu est sobre et poignant. A la fin du film, comme un coup de théâtre, comme un miracle, une délivrance, on apprend, on comprend. C’est alors que le puzzle se reconstitue totalement. Simplement, élégamment, naturellement. La culpabilité et l’amour jusqu’à leur paroxysme, peut-être jusqu’à l’insensé même. Il n’y a pas à juger, c’est d’ailleurs impossible. Par contre, l’émotion crève l’écran et frappe de plein fouet dans la salle. Après, le silence…