No et moi, Delphine de Vigan

« No et moi », de Delphine de Vigan, est de ces livres qu’on ne peut pas lâcher une fois qu’on les a commencés. On l’ouvre, on pense qu’on va en avoir pour une petite semaine, entamer le premier chapitre, histoire de se faire une idée, puis qu’on va pouvoir continuer la journée normalement. Mais ça ne se passe pas du tout ainsi, car « No et moi » est un livre qui colle immédiatement au cœur. « Moi », c’est une adolescente de treize ans, précoce. Mais on se fiche qu’elle soit précoce, ce n’est pas un livre là-dessus. Ca permet juste de justifier la maturité et la fraîcheur mêlées de la narratrice. Lou teste, compare, classe, pense comme elle respire, donc en permanence. Lou a deux ans d’avance, est toute petite, et incroyablement émotive. « No », c’est Nolwenn, une jeune femme de dix-huit ans, sans-abri, abîmée et même délabrée, qu’elle rencontre pour la première fois à la gare d’Austerlitz. « No et moi », c’est une histoire d’amitié entre deux jeunes filles, deux mondes qui essaient désespérément d’oublier leurs frontières. Aller contre le cours des choses, pourquoi cela ne serait-il pas possible ? Pourquoi certaines choses sont ce qu’elles sont ? Pourquoi sait-on envoyer des gens sur la Lune, identifier un criminel sur un seul de ses cheveux ? Et comment laisse-t-on des gens mourir dans la rue ? Lou s’interroge, au point d’oser, de braver, de se découvrir des audaces inattendues. Mais est-ce si simple, est-ce même possible de briser les murs et les silences ? Fond et forme, car « No et moi » est un roman très bien écrit. La langue est simple, d’une fluidité merveilleuse. Les phrases caressent les yeux, les pages se tournent seules, la suivante aspire la précédente, miraculeusement. C’est touchant et fin, profondément grave sans en avoir l’air. De quoi s’interroger soi, sur la conduite à tenir et le regard à porter sur ceux, juste à côté, qui vivent sous des tentes de fortune, ou à peine cachés en bordure du périphérique. Vraiment, un excellent texte.