Le premier qui l’a dit, Ferzan Ozpetek
Les critiques que j’ai lues sur ce film me laissent perplexe. « Le premier qui l’a dit » serait un bon divertissement, une bonne comédie estivale, de quoi passer un bon moment sans pour autant sortir abruti. Il y aurait juste ce qu’il faut, in extremis, pour apporter la densité suffisante au film de Ferzan Ozpetek. Les personnages seraient presque caricaturaux, et la mise en scène secouée de tics divers… J’avais pour ma part, décidé d’aller voir le film en voyant la bande-annonce, qui, contrairement au mauvais titre français, donne plutôt envie. « Le premier qui l’a dit » sonne très cours d’école, et on est loin du ton du titre italien, « Mine vaganti » qui évoquerait plutôt une crise existentielle… Tommaso (Riccardo Scarmarcio), de passage à Lecce, sa ville natale des Pouilles, est bien décidé à révéler à sa famille entière, la réalité de ce qu’il est. S’il vit bien à Rome, il n’étudie pas l’économie mais cherche à y devenir écrivain, et s’il n’y vit pas seul, ce n’est pas une femme qui partage sa vie. Mais au cours du dîner, son frère aîné, Antonio, lui vole la priorité. Consternation, crispation, puis explosion du père, chef de clan rigide. Lorsqu’il renie son fils aîné, Tommaso se voit contraint de délaisser sa vie romaine et de prolonger sa clandestinité pour gérer à la place de son frère la fabrique de pâtes familiale. Mais « Mine vengante » n’est pas un film qui se raconte, ni qui s’explique. Il serait plutôt une promenade, un panorama, dont la beauté saute aux yeux de celui qui est prêt à la voir… En cheminant entre l’être et le paraître, l’amour et l’ego ; en slalomant entre les évidences et les clichés ; en mêlant intensément la tragédie et le burlesque, la profondeur et la légèreté, le doute et l’espoir, les regards et les mots ; le film nous ouvre la voie de l’indulgence et dépose à nos pieds les contradictions universelles de nos vies. La photo est splendide, les acteurs sont beaux et justes, le thème s’amuse sans se desservir, mais au-delà, c’est beaucoup de talent et d’élégance, de quoi quitter la salle le sourire aux lèvres et le cœur qui bat plus fort.