Bill Ryder-Jones, A bad wind blows in my heart
- By Frederic
Le ciel est gris chiné, les mailles d’un pull de pluie s’étirent sur la vitre. Les vitrages, doubles, font oublier que les axes sont proches ; et l’arceau qui encercle ma tête m’isole des sons. Au mur, la mélancolie me plaque, le disque s’est mêlé à l’environnement, invité d’une matinée d’août pleine d’eau. Je fais une pause, je cherche le son juste, celui qui m’évoque le volume des instruments, je voudrais être dans la pièce où l’on joue, celle qui résonne. J’y suis, et je suis frappé par la force que la douceur permet.
« A bad wind blows in my heart », un vent mauvais souffle sur mon cœur. Il y a de la tristesse égrainée au fil des pièces. Des pas dans ce lieu me rappellent que la vie n’est pas loin, qu’elle est là. Je m’accroche à eux, il ne faut pas sombrer, pour d’infimes, d’intimes raisons. Je me demande pourquoi ce qui est beau coule autant à fleur de peau. Précisément en ce moment, je me pose la question. Ici, je suis face à une œuvre d’une traite, quelque chose d’entier dont je n’ai pas la faculté de me lasser. L’intelligence émaille et jaillit des quatre coins d’un album qui ne me quitte plus, comme un fétiche que j’emporte partout. Souvent, je ne l’écoute pas, mais je sais que je peux le glisser dès que l’élégance manque à la vie.
Il faut l’état d’être, le bon, avoir le désir d’une apnée au-dedans, se décider à s’offrir les minutes
nécessaires et à les rendre longues, à en faire des fragments d’éternité. Alors, derrière la beauté des compositions de Bill Ryder-Jones, la douceur d’une voix, la délicatesse des arrangements, l’organique du tout, vous serez peut-être, comme moi, emporté par ce mauvais souffle, mélancolique à en pleurer, majestueux comme les grands calmes et les grandes musiques, rejointes en une unique rafale.