Une place sur la Terre, Fabienne Godet

Je cherchais un univers, des images intimes, des séquences qui n’allaient pas m’évader mais me ramener.  Je cherchais non des héros mais des compagnons, de ceux qui aident à se servir des clés dont on dispose. Une place sur la terre. Une seule. Alors, lorsqu’Antoine (Benoit Poelvoorde) photographie en rafale la chute d’Elena (Ariane Labed), ils sont deux à offrir au vide son contrepied. Deux pour braver la gravité, terrestre et terrienne.

Au chevet de celle qui à terre, Antoine s’initie de nouveau à la vie. A son décalage désabusé, Elena rétorque par sa personnalité mélancolique et intègre. Pourquoi a-t-elle voulu se tuer, en finir avec les jours ? Il ne le lui demandera pas, elle avait ou a ses raisons. Lui est-elle reconnaissante de l’avoir sauvée ? Cela avait-il un sens, une légitimité ? Elena laissera au doute le soin de planer. Les deux êtres, cognés et fragilisés, vont se côtoyer, se regarder, et s’entendre respirer le parfum des riens minuscules.

Se tenir chaud sans se toucher, se réchauffer sans se mêler ; à part, Antoine et Elena vont fabriquer un lien qui ne se décrit pas, non étiqueté, au sein duquel la beauté est vitale, le confort rendu impossible par l’exigence d’âmes non assujetties au compromis, incapables de transiger avec ce que la vie devrait être. Musicale et harmonieuse, esthétique et élégante ; digne en un mot. Antoine et Elena s’aiment alors d’un lien qui ne se consomme pas, de ces œuvres éphémères qu’on détruit en les touchant.

Faut-il que les choses soient si fragiles pour qu’elles puissent s’élever à la hauteur de nos espérances ? Faut-il que l’équilibre soit de poussière pour que le fil entre les rives offre un sens ? Fabienne Godet livre une piste, mais ne tranche pas. Sommes-nous condamnés à la beauté, ou bien toute beauté est-elle intrinsèquement condamnée ?

Les deux, sans doute aucun.