Battement d’ailes, Milena Agus

Est-ce que les ailes sont les deux draps que le vent fait s’envoler certains soirs dans la chambre de la jeune narratrice ? Ces deux draps dans lesquels un esprit semble s’engouffrer, au point de leur donner forme et presque voix ? Ou bien sont-ce les bras de Madame, lorsqu’elle dévale le chemin escarpé qui mène à la mer ? Et les battements ? Ceux du cœur, forcément ? Est-ce qu’on entend un son quand un papillon bat des ailes ? Parmi ses frères et sœurs, parmi toutes et tous, Madame est la seule à ne pas avoir cédé, la seule à n’avoir pas vendu sa maison et sa part de terre, la seule à préférer les tomates gorgées de jus et de soleil, à l’argent des promoteurs. La seule à résister. A ça, et au reste, car Madame est à part, absolument entière, décidément hors de la norme, naturellement, sans effort ni ostentation. De ses robes improbables tissées dans des rideaux, de sa quête sempiternelle de l’amour vraie, de sa résistance à ce qui n’est pas précisément sa pensée, Madame vit dans son rêve, là où il fait beau et seul. Seule, Madame l’est. Mais il y a ce grand-père, la narratrice, et le petit voisin, qui eux ont compris, simplement parce qu’ils sont pareils. Il y a des mondes qui se voient sans se toucher, parallèles. Un livre splendide, sauvage, juste comme j’imagine la Sardaigne.