Des bleus à l’âme, Françoise Sagan

Ecrire une chronique sur roman de Françoise Sagan, c’est un peu comme dire son avis sur une œuvre de musique classique ou le tableau d’un maître, indélicat au bas mot, à moins de se frayer le ton juste… Je tente ma chance. Paru en 1972, « Des bleus à l’âme » est un texte qui présente l’originalité de mêler deux genres, le roman et l’essai. Côté roman, Sébastien et Eléonore sont frère et sœur, beaux et suédois, bohèmes et proches de la quarantaine, et allergiques au travail. Pour vivre bien, vivre juste,

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et parfois survivre, ils jouent d’astuce et de charme, d’audace et de talent. Le récit les promène de rencontres en compromissions, de l’élégant au glauque parfois franchi en un seul pas… Côté essai, l’auteure parle avec une franchise désarmante et jubilatoire de la genèse de ses personnages et de son processus de création littéraire. Emaillées, des réflexions et des regards sur la société et son époque complètent le texte ; des digressions dont la lucidité n’a d’égale que la poésie. Comme toujours, la langue est fulgurante et sincère. Côté roman, j’ai parfois trouvé le temps creux, j’avoue, alors que côté essai, j’aurais aimé y passer des journées entières. Quel brio, quel plaisir… Et c’est aussi là l’occasion, sorte de bonus, de prendre conscience que les travers de l’époque, 40 ans déjà, étaient déjà les nôtres. Matérialisme grandissant, lobotomisation des masses, suffisance des politiques, perte de sens… De quoi se demander ce qu’écrirait Sagan aujourd’hui !