La société des jeunes pianites, Ketil Bjørnstad
A double titre, « la société des jeunes pianistes » (« til musikken ») de Ketil Bjørnstad ne pouvait que me plaire. Un unique voyage pour deux destinations. Oslo et le piano, le piano et Oslo. A double titre, le livre m’a plu. Fin des années 60, Oslo. Dans la famille Vinding, rien ne va plus. A moins que rien n’ait jamais vraiment fonctionné. Aksel a reçu de sa mère l’amour inconditionnel de la musique, de concertos en sonates arrachées aux ondes moyennes de la radio. Cathrin aime sa mère qui le lui rend mal. Quant au père, il n’a jamais été à la hauteur de ses ambitions, trop hautes, bien trop hautes. De disputes en réconciliations, de cris en pleurs, les Vinding vivent un équilibre chaotique. A la fin du premier chapitre, la mère disparaît et le reste vole en éclat. Dès lors, il faudra reconstruire et construire, pour chacun, entre douleur et élan, espoir et culpabilité. Une
quête initiatique vertigineuse. Le roman est l’occasion de pénétrer le monde très fermé de la musique classique, un microcosme tapi dans l’ombre des compositeurs de génie et des interprètes grandioses. Un monde fait de concours impitoyables, de jeunes prodiges, de pédagogues brillants et d’impresarios poussiéreux. Un monde de salles de concerts ouatées, de grands jours décisifs. Un monde où l’excellence règne en maîtresse, cruelle et absolue, un monde qui précipite des adolescents dans ce que la vie a de plus adulte, un monde où on ne se relève pas quand on trébuche. Et entre les rivalités, entre les sacrifices, des liens puissants et bouleversants naissent et réunissent les jeunes membres de l’auto-nommée « société des jeunes pianistes ». Plus de quatre cents pages subtiles et troublantes, intenses et graves, qui se lisent comme on écoute une œuvre, d’une seule traite. L’auteur est auteur, compositeur et musicien. Il a gagné à l’âge de 14 ans le concours des jeunes pianistes à Oslo. Sinueux et virtuose.