Le déjeuner du 15 août, Gianni di Gregorio
La cinquantaine célibataire, grisonnante et placide, Gianni vit seul avec sa maman, et exécute sans broncher les moindres caprices della mamma, sympathique et néanmoins tyrannique… Mais alors que Rome au 15 août (ferragosto) est écrasé de chaleur, Gianni, lui est écrasé de dettes… Quand son régisseur lui propose d’effacer son ardoise s’il héberge sa maman une seule nuit, Gianni n’a pas les moyens de refuser l’offre… Un train pouvant en cacher un autre, Gianni, corvéable à souhait, accueille finalement quatre vieilles dames dans son petit appartement du Trastevere. Da niente viene il miracolo, et le cinéma italien renaît de ses cendres. Mais là, il n’est plus question de douter, les bons et très bons films en provenance de la péninsule s’enchaînent, comme un retour aux sources du néoréalisme des décennies d’après-guerre. Et il y a bel et bien de quoi être enchanté par une seule ligne métamorphosée en scénario, de vrais gens improvisés acteurs, la vue propulsée décor, et des phrases devenues répliques… Plus vrai que nature, puisque certaines choses ne s’inventent pas… Les vieilles dames sont agaçantes, insupportables mais aussi touchantes, fragiles et tellement encore… Gianni est flegmatique et dévoué, et quand son sourcil ne se fronce pas, c’est tout son être qu’on sent frémir, comme une leçon de simplicité, celle qui est la synthèse de l’ensemble, celle qui a fait le tour d’une question. Parfois, c’est cruel et parfois c’est drôle, parce que toujours c’est humain. Parfois, c’est tendre et parfois c’est lent, parce que toujours c’est la vie. Diablement mieux que ne le ferait n’importe quel documentaire ou film à grand budget, « il pranzo di ferragosto » se fraye un chemin audacieux et vitalisant entre les tabous de la solitude et de la vieillesse, entre l’ennui qui tue à petits feux et l’échange qui sauve et rend le sourire. Et si le vrai bonheur ne se trouvait pas juste là, autour d’un repas qu’on partage et della pasta al forno ? Un jour, je demanderai à mon Papa d’en écrire la recette sur Résonance, mais d’ici là, courez voir le film, un vrai miracle.