L’étranger, Albert Camus
Le soleil, brûlant et aveuglant, fabrique une lumière qui fait mal, un éclat si fort qu’il peut disloquer la raison. Au début, c’était moi l’étranger, celui qui ne comprenait pas. Je me sentais, là et presque mal à l’aise, comme on peut l’être devant ce qu’on ne comprend pas, ce qui échappe aux yeux. Hors des codes appris, sait-on vraiment adapter sa pensée à la seule différence ? Loin des trajets prévus, préfère-t-on s’approcher ou bien mettre à l’écart ? Car à punir, c’est soi qu’on préserve, nos propres certitudes qu’on n’égratigne pas. Tuer ; et alors ? Nous mourons tous, alors quel est le sens du remord ? Aimer, ou pas ; ça change quoi ? Pleurer celui qui s’en va, accueillir celui qui arrive ; oui, admettons… L’étranger, c’est juste celui qui fonctionne autrement parmi les autres, juste ça. C’est celui dont la seule pensée constitue un danger silencieux, celui qui dissout les règles dans l’eau limpide de son esprit. Ou bien celui qui les traverse sans les voir, celui qui court hors des clous, le sourire aux lèvres et les yeux fermés. Celui qui ne sait pas, ou celui qui sait trop. Chef-d’œuvre d’écriture et d’esprit, singulier comme nous devrions tous l’être.