Max Jury – Christian Eyes

D’abord des voix parlées et des cliquetis, le léger brouhaha d’un café ; Max Jury est assis, songeur et vif, la tête appuyée sur une main. Ailleurs, en plein champ, une jeune fille aux cheveux trop longs. Sa silhouette est droite et son regard est fixe.

Puis.

Les premiers accords révèlent un piano ancien, aux touches d’ivoire jaunies, incapables de s’aligner, même au silence plein. Sur elles, au bout des marteaux qu’on voit danser, les doigts se déposent en pluie fine, avec une légèreté telle qu’il semble se faire entendre un infime décalage entre la main et le son. Comme si le temps, défié et intimidé, était enfin ralenti. Un brin de rien, ainsi que l’éternité se façonne.

D’un angle à l’autre, entre les plans, les regards s’espèrent sans se croiser, et un poème se compose entre flous et halos, la lumière n’appartenant bien qu’aux yeux, là où l’étincelle nait et ne doit pas céder. La sensualité est nonchalante, la puissance est délicate, et l’âme n’a d’autre choix que de s’enivrer du tournis dont elle est l’issue et la source ; l’objet d’un jeu sans règle.

S’incliner ou se calfeutrer ; il n’existe aucune alternative ; « Christian Eyes » de Max Jury annihile toute possibilité d’une résistance.

Somptueux, ou que les mots n’aient plus de sens.