Travis, Where you stand

Aller là où le froid saisit, par pitié non. Descendre là où l’eau est rare, non plus. Pas ainsi, pas aujourd’hui. Il y a des multitudes d’endroits possibles pourtant. Exaltants, sur une brèche, le vide de part et d’autres, de la place pour la sensation pure, la liberté dans une grande largeur. Des expériences à la marge, qu’on peut raconter après, si on en revient, comme on en revient. De cela. Mais je n’en ai pas envie, entre la peur et la paresse, il y a la possibilité d’une douce tiédeur, qui chauffe et rafraîchit, sans brûler.

Où je me tiens, où tu te tiens, « where you stand », c’est le retour d’amis, éloignés depuis moins de dix ans ; bien trop. Ils ont changé et sont restés les mêmes. Comme moi. De ce mélange subtil entre fragilité et expérience, gagnées, l’une ne sachant aller sans l’autre, paradoxe subtil d’une condition. Ils sont les mêmes, au gré de mélodies délicates et accrocheuses, délicatement entrainantes, rengaines délicieusement entêtantes. Voix sur le fil, sur des lignes brisées ou souples, selon. Pris, des risques mineurs pour rendre le plaisir moins trivial, plus durable. Quelque chose de l’ordre de la bienveillance, du chuchotement à peine complaisant ; à l’oreille, au cœur, en artères et en veines. Mais ils ont changé ; ce quelque chose de l’éclat en moins, cet identique que le temps seul sait rendre différent, comme la lumière modifie les images que les impressionnistes aimaient réinventer. Imperceptiblement, un jeu d’écarts.

Mais de ce moins d’éclat, de ce brin d’usure, Travis fait le plus, en touchant d’authenticité et de charme, signant ici un album incroyablement attachant ; comme quelques rides au coin d’un regard embellissent mieux que quoi que ce soit un visage qu’on aime.